[Stadium Avenue] Retour chez Mahaka

Dans l'allée malodorante déserte, pas un bruit ne se fait entendre. Les lampadaires n'éclairent plus ; sans doute parce que les ouvriers de la communauté urbaine n'osent pas mettre les pieds ici. Soudain, un chien aboie, un chat feule, un bruit métallique se fait entendre puis un taxi débarque dans la rue. Il s'arrête devant un vieux hangar dont la plaque portant le numéro "345" brinquebale sur un poteau sculpté surmonté d'un crâne de vache. Un énorme chien sort du taxi, l'air alerte, suivi de son maître. Celui-ci règle le chauffeur qui s'emprese de se tirer de là après avoir prévenu son client que ce n'était pas un endroit pour les touristes... Pas une chose à dire au Molosse. Il pense d'ailleurs que si le chauffeur s'en va si vite, c'est plus par peur de lui que du quartier.

Heinrich fait maintenant face au vieux hangar. Des vibrations dans le sol et dans l'air lui indiquent que les Néo-Zélandais sont encore à faire de la musique. De la fumée s'échappe en gros nuages sombres du trou découpé dans le toit et les quelques fenêtre hautes, bien que trop sales pour révéler l'intérieur, montrent qu'un feu de joie y brûle.

Un sentiment d'appréhension mêlé à un frisson d'impatience s'empare de lui. Sa vision se trouble un instant et les cheveux sur sa nuque se hérissent légèrement, comme la dernière fois qu'il est venu.

Il passe le portail et approche de la porte où se tient un énorme Maori torse-nu qui le fixe depuis qu'il est descendu du taxi. C'est alors qu'il entend une voix puissante retentir, reprise en coeur par d'autres :

Ka mate Ka mate
Ka ora Ka ora
Ka mate Ka mate
Ka ora Ka ora

Le Molosse à l'impression d'être en transe et se voit comme de l'extérieur glisser vers la porte où le gardien lui ouvre. Il avait entendu parler de la danse rituelle Maori, surtout par des fans de rugby, mais rien dans sa vie ne l'avait préparé à une telle révélation. Il est encore à plusieurs mètres d'eux lorsqu'il sent la force qui se dégage du groupe d'hommes et de femmes se donnant corps et âme dans leur danse et leur chant.

Tenei Te Tangata Puhuruhuru
Nana i tiki mai whakawhiti te ra
Upane Upane
Upane Kaupane
Whiti te ra

Le molosse était complètement perdu. Son corps semblait avancer, sans que Heinrich n’en ai décidé quoique ce soit. C’est comme si, il n’était plus en lui, plus lui-même, la perte de contrôle le rendis partiellement dingue, et ce dernier d’avais qu’une idée en tête : Se réveiller.


Enfin, se réveiller était un bien grand mot, ce dont avait besoin le jeune homme avant tout, et ce qu’il essayait de faire, c’était revenir dans son corps. Fermant ses « yeux », il s’imagina le plus fort possible en train de commander son corps, comme il le fait d’habitude.

Etre un fantôme ne lui plaisait pas du tout, Heinrich ne pensait qu’a rentrer dans son ancien corps, pour pouvoir agir, dire à Mahaka de ne pas faire de tuerie Mercredi, et partir peut-être en courant cette fois.

Le pire dans tout ça, était que des "forces" semblaient s'unir à peine plus loin, et cela jouait énormément sur la concentration du molosse, qui, malgrès tout, mettait toute sa volonté à reprendre le contrôle de son corps.

Tandis que les guerriers achèvent leur danse, Mahaka approche du Molosse et lui pose une main sur l'épaule, brisant sa transe.

- Mon frère, tu es venu. Sois le bienvenu. Regarde un peu tout ça.

Il l'emmène jusqu'à dees caisses de bois remplies de fusils d'assaut.

- Avec ça, on devrait mettre à genoux les Black Dogs. Ils se rendront ou ils mourront. Es-tu prêt ?

Le vieil homme lui lance un regard qui le transperce, et il a une forte impression d'être passé sous un scanner, que ce regard peut lire chaque pensée passant dans sa tête.

De la concentration, il fallait absolument se concentrer. Le jeune homme essayait tan bien que mal de revenir dans son corps quand Mahaka s’approcha de lui. Sa main, sur l’épaule du Molosse, eut l’effet d’un coup de poing, qui permis au jeune homme de revenir dans son enveloppe charnelle. Heinrich était en train de réaliser ce qui lui était arrivé, écoutant à peine le « chaman». Ce dernier le conduit vers un nombre impressionnant d’armes, puis lui expliqua sa version du plan.

Le jeune homme n’était pas vraiment pour tuer des gens de sang froid, mais Mahaka avait certainement raison dans ce qu’il disait. Repensant à la raison pour laquelle il avait fait tout cela, le Molosse durcit son regard malgré la gêne qu’il ressentait à cause de cet homme qui semblait le sonder.

« - C’est exactement ce que je compte faire. Je laisserais le droit à ceux qui le veulent de me rejoindre, ou de se rendre. Si ils n’obéissent pas, on s’occupera d’eux. Il y a quelques personnes, dans tout les cas, dont je veux m’occuper personnellement. Un blondinet qui s’appelle Mike, et un autre qui s’appelle Joe, c’est le gars qui s’occupe de la drogue dans le gang. L’attaque sera pour Mercredi prochain. »

Le jeune homme hocha la tête, comme pour appuyer ses paroles. Le jour de l’attaque était de plus en plus proche, et le jeune homme sentait un mélange d’appréhension et d’excitation monter en lui, le genre de poussée d'adrénaline qu'un guerrier ressent avant ce qui serait le plus beau combat de sa vie. Il fallait à tout prix réussir, sinon le jeune homme ne pourrait plus jamais mettre les pieds dans le Bronx. En même temps, avec autan d’armes, le Molosse avait l’impression de pouvoir conquérir le monde.

Maintenant que cette étape était réglée, il faudrait des hommes. Et la recherche de gens allait se faire le lendemain. Il allait avoir plusieurs jours pour faire ce genre de recherche. Mais le Molosse avait beaucoup de questions, sur ce qui se passait ici, et la raison pour laquelle on l’aidait. Il y avait aussi ce nom qu’on lui donnait.

« - Mahaka, qu’Est-ce que sa veux dire tout ça? Hier vous m’avez drogué pour faire une orgie, aujourd’hui je … Ce chant est vraiment bizarre, et puis j’ai l’impression que t’étais prêt à m’aider avant même que j’arrive. C’est quoi le piège dans cette histoire? Qu’Est-ce que je sais pas? »

Heinrich regarda son chien, pour vérifier dans quel état il était cette fois-ci.

Les directives du Molosse pour le plan sont clair, et Mahaka acquiesce.

- Tu mèneras l'assaut, mes hommes te suivront. Dix des miens seront à tes côtés, soit la moitié du groupe, à toi de trouver les autres.

Suit le discours indigné du Molosse qui fait éclater de rire Mahaka.

- Nous avons partagé notre production avec toi, uragarum, plus pur tu ne trouveras pas dans tous les Etats-Unis. C'était un geste fraternel pour te souhaiter la bienvenue, sans aucune arrière pensée. Ensuite, tu avais l'air parfaitement consentent quand tu as été pris dans les filets de certaines de nos femmes. Et je pense que si elles essayaient de te récupérer ce soir, tu aurais à nouveau du mal à résister.

Derrière Mahaka approchent deux femmes, une déesse à la peau d'ébène plus grande que le Molosse ainsi que la kiwi tatouée et scarifiée qui l'avait accueilli devant le hangar à sa première venue. Toutes deux sont torse nue et lui lancent des regards qui laissent peu de place aux malentendus.

- Tu es notre frère, Molosse. Si tu souhaites quitter cet endroit, tu peux le faire maintenant, tu es libre. Mais si tu veux rester ce soir, tu es le bienvenu.

Dante est tapi au sol, la queue basse, la tête entre les pattes, visiblement terrifié comme à sa première venue.

Le Molosse écouta la réponse de mahaka, avec un air presque surpris lorsque ce dernier se mis a rire à gorge déployée. Ce dernier était toujours aussi accueillant, presque paternel en fait, mais avec une notion très libertine de la paternité. Des bribes de réponses apparurent, mais elle soulevaient toujours de nouvelles questions, toujours plus inquiétantes, et ces deux femmes torse nue commençaient déjà a faire effet sur la libido d’Heinrich.

« - Je tien à rester, pour que tu m’explique certaines choses avant tout. Qu’Est-ce qui à fait de moi un frère pour vous? Et pourquoi vous m’appelez uragarum? Qu’Est-ce qui m’est arrivé en rentrant ici? Et pourquoi Dante est dans cet état dès qu’il se retrouve dans ce hangar? Et surtout ... »

"Pourquoi j'ai cette impression étrange en venant ici?" c'est ce que le molosse pensa, sans pour autan le dire, certainement par fierté, pour ne pas avoir l'air plus "faible" qu'il l'était déja. En même temps, Heinrich s’en voulait un peu de harceler de questions Mahaka, qui était plutôt gentil avec lui finalement et lui offrait beaucoup, a sa façon. Aussi, il préféra ajouter quelque chose.

« - J’apprécie beaucoup ce que vous faites pour moi, et je ne tien pas a vous rejeter. C’est juste que je ne comprend rien de ce qui se passe, et j’ai besoin d’en savoir plus. »

Le molosse fit un léger sourire aux filles derrière le papa-vaudou, comme pour acquiescer à leurs regards, puis recentra sa concentration vers son interlocuteur principal, attendant impatiemment des réponses claires à ses questions.

- Trop de questions, petit frère. Le savoir n'est pas un lac auquel on peut s'abreuver quand bon nous semble. C'est une pluie. On l'attend longtemps, et quand elle tombe, on en avale que quelques gouttes à la fois. Libère ton esprit de cette impatience et vois l'instant présent.

Le vieil homme le mène près du feu et sort un papier où est imprimée une vue aérienne du bar où aura lieu leur rixe.

- Nous avons repéré les accès aux bars, portes, fenêtres. Par contre, il n'y a que deux accès au sous sol, un escalier d'évacuatio à l'arrière et l'escalier principal situé dans le bar. Pour que l'assaut soit efficace, il nous faudra attaquer des deux côtés à la fois. Qu'en penses-tu ?

Heinrich écouta les paroles de Mahaka sans rien dire. Évidement, il était frustré par la métaphore de cet homme qui lui cachait énormément de choses, mais le Molosse ne pouvait se permettre d’obliger ce dernier à déballer tout ce qu’il savait. Et puis, au final, il en saurait peut-être assez après avoir fait ses preuves ...

Le marabou suprême sorti alors un plan du bar, ce qui impressionna le jeune allemand. Ils étaient organisés, comme si ce genre d’actions étaient habituelles dans ce groupe. Cela soulevait une autre question, mais le jeune homme préférais plancher sur la suite des évènements.
Mahaka proposa d’attaquer par les deux côtés, mais le Molosse ne semblait pas de cet avis. Une telle perte d’énergie était impensable, aussi il eut une autre idée.

« - Non, prendre le sous-sol des deux côtés emmènerait l’ennemi à se défendre bien plus vite que prévu. De plus, ce serait une perte en puissance de feu, étant donné que nous serons face à face, et qu’il y a des risques pour qu’on se tire dessus. Je dois avoir aussi le temps de proposer a ceux qui le veulent, de me rejoindre.

Ce que je propose, c’est de passer par l’entrée à l’intérieur du bar. Il faudra trouver bien sûr un moyen pour que personne n’essai d’interférer. Une fois entré, on se placera en ligne, dos au mur, et en position de tir, de manière à pouvoir arroser toute la salle très rapidement - je passerais le premier.

Par l’arrière, deux hommes seront postés, et viserons la porte. Dès qu’elle s’ouvrira, ils auront pour ordre de tirer. Ainsi, la sortie de derrière sera bloquée, sans qu’on utilise la moitié de notre force. De plus, l’ennemi ne sachant pas combien nous sommes, ils s’imaginerons qu’au moins autan d’homme bloque la sortie de secours, et seront donc plus aptes à discuter sans faire de vagues … Même si sa m’étonnerais que personne n’essai de se défendre. »

Le jeune homme avait expliqué son plan, illustrant ses paroles de gestes rapides sur l'imprimé, pour montrer la position qu’il souhaitait donner à chaque personne. Il avait réfléchit a ce plan. A vrais dire, le prochain mercredi ne quittait jamais son esprit, même pas en rêve. Relevant la tête vers Mahaka, il hocha la tête comme pour appuyer ses propos. Son regard était redevenu le regard froid qu’il avait perdu depuis quelques jours. Il était prêt à tout pour ce territoire, son territoire, et ne tenait pas à agir inconsidérément.

« - Sa te semble correct? Tu m’a l’air expérimenté, peut-être as-tu une autre idée? Je tien aussi à ce que la police n’intervienne pas de suite, mais je ne sais pas vraiment comment faire pour cela, a part contacter un flic véreux qui aurait autorité sur la situation, et nous laisserait faire notre ménage avant d‘arriver … »

Mahaka écoute attentivement le plan de Heinrich en acquiesçant régulièrement.

- Bien pensé, petit frère. Très bien pensé. Je pense qu'au moins une dizaine d'entre nos guerriers devraient entrer dans le bar comme clients avant le coup pour avoir une longueur d'avance.

Autour d'eux, d'autres compagnons de Mahaka se sont rassemblés pour écouter le plan.

- Pour ce qui est des flics, je n'ai aucun moyen de ne pas les faire rappliquer. La seule chose qu'il faut espérer, c'est qu'eux même n'oseront pas risquer leur cuir et qu'ils ne débarqueront qu'après la bataille pour compter les corps.

Heinrich sent la chaleur de deux mains agiles se poser sur ses épaules, faisant glisser sa veste qui tombe au sol sans opposer de résistance. Les bras se nouent sur son torse et la tête de déesse de la grande femme Africaine vient se glisser contre la sienne, regard de prédateur, sourire carnassier. Heinrich n'a pas besoin de lui demander pour savoir qu'elle sera de la chasse.

- Je pense que tout est règlé, fait Mahaka avec un sourire complice. A quelle heure souhaites-tu retrouver mes guerriers et où ?

Le regard du jeune avait repris du sérieux, il tenait de plus en plus à faire cette mission et, étrangement, cela réveillait en lui un sentiment indescriptible, qu’il appréciait particulièrement. Il sentait son égo grandis par ce plan qui lui permettrait d’avoir sous la main toute une partie du Bronx. Mahaka était d’accord avec son plan, ce qui était tout à fait normal.

Les lieux étaient toujours oppressants, pourtant le jeune homme commençait a s’habituer à tout ça, et il ne fût pas vraiment surpris quand une des femmes du groupe commença à le déshabiller. Tournant légèrement la tête vers elle, de manière à voir qui c’était, il passa sa main sur la nuque de la jeune femme, a peu près au moment où Mahaka demandait les derniers détails de manière a clore la discussion.

« - On devra faire ça vite, et je pense que pour profiter de l’effet de surprise, le mieux serait que le groupe soit dans le bar vers 21H30, pour lancer la charge à 23H. J’arriverais à peu près a ce moment là avec mes hommes, et on rentrera directement. Il serait bien aussi que quelqu’un reste en haut, histoire d’empêcher quiconque essaiera d’appeler la police. De cette manière, ça nous laissera plus de temps. »

Heinrich jeta un regard à la déesse d’ébène, avant de se tourner à nouveau vers Mahaka. Les prochains jours allaient être chargés, il fallait que le jeune homme trouve assez de troupes pour pouvoir commencer quelque chose, et éviter de donner aussi l’impression a Mahaka que sans lui il n’aurait rien pu faire : Question de fierté.

« - Je vais rester ici ce soir. D’ici Mercredi je m’occuperais de tout préparer de mon côté. »

S'en suit une nuit à faire regretter à Heinrich d'avoir été trop défoncé pour se souvenir de la première. Il s'endort dans les bras de trois chasseresses dignes d'un récit mythologique, ses tracas et ses doutes effacés, son esprit libre de se concentré sur l'offensive qui aurait lieu trois jours plus tard.