[Financial District] Joyeux Noël !

Terry se réveilla lentement, comme s’il émergeait d’un long sommeil où rêves et cauchemars se seraient partagés l’affiche. Un sourire aux lèvres, il se souvenait avant tout de la vive étreinte qu’il avait partagée la nuit dernière avec Valentina et qui avait alors occulté tout le reste… Valentina, où était-elle ? A cette pensée, Terence se leva brusquement de son lit. Une fois encore celle qu’il aimait n’était pas à ses côtés. Elle s’était éclipsée peu avant l’aube, après qu’ils se soient quittés au Rockfeller Center.

Terry était troublé. Tout lui revenait peu à peu l’esprit, comme les raisons de sa présence dans cette chambre d’hôtel étriquée, le Clarion dans le Queens. Un endroit bon marché où Valentina devait le retrouver car ce soir ; ils allaient quitter New York ! C’était la seule solution qu’ils avaient trouvée pour le moment. D’ici quelques heures ils iraient à LaGuardia pour se rendre dans le Vermont. Ils y passeraient le réveillon où Terry présenterait Val à ses parents comme le ferait n’importe quel couple, puis après ils s’envoleraient pour une destination encore inconnue, ensemble !
L’idée de quitter soudainement le devant de la scène ne réjouissait pas Terence mais il n’avait pu ignorer les supplications de Valentina qui l’enjoignait à l’écouter. Elle lui avait assuré que la situation finirait par se tasser, tout comme elle avait réussi à le persuader que l’entreprise familiale était moins importante que sa seule survie. Après tout, l’argent n’était pas un problème pour la famille Cassidy et son père se remettrait de la perte de son poste si cela devait arriver. Au contraire, ce point était peut-être une bonne chose à la vue de la santé fragile de ce dernier. Et puis le fait de voir sur la table de chevet le revolver que Campbell lui avait donné rappelait au jeune Cassidy la gravité des menaces qui pesaient sur lui.

Bref, Terry avait appris à relativiser, et ce malgré la migraine qui venait tout juste de le gagner. En se rhabillant il vit qu’il était déjà 18 heures ! Il avait dormi à poings fermés ! Il se rendit également compte qu’il avait deux messages sur son téléphone portable.
Le premier était un appel de sa mère qui lui disait que son père avait du revenir sur New York pour des raisons d’affaires. Elle suggérait donc à son fils d’en profiter pour venir dans le Vermont en compagnie de sa mystérieuse fiancée via le jet familial, et de forcer par là même son père à être à l’heure pour le réveillon.
Le deuxième appel remontait à un petit quart d’heure. Il s’agissait justement du père de Terence. Là où celui de sa mère était enjoué, ce message-ci sonnait comme un appel de détresse. D’une voix paniquée, James Cassidy demandait à son fils de le rejoindre le plus rapidement possible au siège de la compagnie, et d’être discret. A l’entendre on aurait dit qu’il s’agissait d’une question de vie ou de mort !

Mais qu’est-ce que tout cela signifiait ? Terry avait du mal à penser. Valentina n’allait plus tarder mais son père avait besoin de lui au plus vite. Il devait prendre une décision…

… Quand il vit une ombre sous la porte de sa chambre. Quelqu’un était en train de crocheter la serrure !

Papa, Valentina, puis l'ombre. Décidément, il avait trop de tracas. Il ne s'était qu'à peine remis de ses peines de la veille, le goût âcre du sang hantant encore sa bouche malgré les baisers de sa douce qu'il était à nouveau dans de beaux draps.

Il devait aider son père, mais cette damnée ombre lui barrait le chemin. Et elle allait pénétrer dans la pièce d'ici quelques secondes... Si elle était douée, du moins.

Il saisit l'arme que lui avait préalablement confié Campbell, la serrant fortement. Il ramassa ce qui traînait et qui lui appartenait, fixant toujours la porte, le regard vif.

Il réfléchissait, sans cesse, avec cet élancement dans le crâne qui lui donnait l'impression qu'il était sur le point d'éclater.

Il ferma les yeux, et entre deux bribes de mémoire où il entrevoyait le corps de nymphe de Valentina, il réussit à s'imaginer un plan quelconque...

Il observa la pièce et ses environs: la hauteur à laquelle elle se situait, si fenêtre il y avait. S'il y avait une fenêtre, Terence l'ouvrirait sans hésiter, et balancerait son veston à l'extérieur, pour donner l'impression de fuite. Il irait ensuite se planquer dans un coin reculé de la chambre, un garde robe, une chambre de bain ou quoique ce soit.

S'il n'avait accès à une fenêtre, il se placerait dans un coin où il aurait un angle de tir très précis sur la porte afin d'être sûr qu'au moment où la porte s'ouvrirait, il aurait la possibilité de mettre en joue, tout au plus de tirer, sur celui qui s'aventurait dans la pièce.

Terence avait une étange impression... Il avait cette étrange impression que cette présence était amie... Ses agresseurs n'avaient pas fait preuve d'une telle subtilité... Pourtant, les formules changent.

Plein de doutes, de trouble et fébrile jusqu'à la moelle, il attendait durant des secondes qui parurent des heures... Sa main serrait si fortement la crosse de l'arme que ses jointures en étaient blanchie et que, lentement, elle s'engourdissait.

[HRP]Je ne sais pas qui est le dessinateur de l'image du dernier post de la rencontre au GE Building, mais chapeau! Ça représente excessivement bien les persos tels que je les imagine, bravo![/HRP]

[HRP] Merci, c’était un ti’bonus pour compenser le délai de la réponse. [/HRP]


Terry réagit en un quart de tour. Après avoir saisit ses affaires, il s’élança donc en direction de la fenêtre qu’il ouvrit promptement afin de balancer sa veste dehors. Tout cela fit un minimum de barouf, mais il n’eut pas le temps de se demander si l’inquiétant visiteur l’avait entendu que déjà ce dernier ouvrait la porte, la serrure enfin crochetée.

Terence n’eut alors pas d’autre choix que de se précipiter dans la cachette la plus proche. Il était maintenant planqué derrière la porte largement entrouverte de la salle de bain, arme au poing. Son cœur battait la chamade tandis qu’il entendait les bruits de pas de l’intrus. Celui-ci se dirigea vers la fenêtre avant de s’approcher quelques secondes plus tard de la salle de bain, s’arrêtant à l’entrée de cette minuscule pièce. Terence retint son souffle. D’où il était il ne voyait rien, d’autant plus que toute la chambre était plongée dans l’obscurité. L’individu alla jusqu'à pousser légèrement la porte… pour finalement rebrousser chemin. Terry l’entendu faire encore quelque pas dans la chambre durant deux trois minutes qui lui parurent interminables, puis la porte se referma.


[HRP] Au fait, tu récupères 1 point de Volonté pour ta nuit (journée) de sommeil. Par contre tu as 1 dégât létal, d’où ta migraine, alors que quelqu’un a récupéré 1 pont de Vitae. Voilà ce que c’est que de faire des galipettes jusqu’à l’aube. [/HRP]

Terence haletait. Sa tête tournait, combination hasardeuse de migraine et de surcharge d'adrénaline, et il peinait à réfléchir... Mais une chose était claire, le comportement du crocheteur était étrange... Il ne s'était pas lancé à sa poursuite en voyant le veston, mais il n'avait pas plus fouillé tous les coins de la chambre...

Terence ne pouvait que penser à un message, ou un type brillant qui savait qu'il finirait par sortir et qui n'aurait qu'à l'attendre pour le zigouiller... Mais le temps était à l'action, pas au questionnement, et avec cette tête qui implosait et explosait à tous les battements de son coeur - c'est dire qu'elle explosait près de 180 fois minutes vu la montée d'adrénaline - il ne pouvait attendre.

Il sorti, chercha dans la chambre un indice, un message, quoique ce soit. S'il ne trouvait rien, il quitterait la pièce, légèrement chancelant, et tenterait d'aperçevoir de façon plus ou moins subtile, mais silencieuse, celui qui venait de démonter la serrure.

Le tout, l'arme indéfectiblemet collée au poing, prise dans sa poigne comme dans un étau ou sous les anneaux d'un serpent constructor.

Chienne de vie pensa-t-il, ne sachant s'il devait suivre l'assaillant de sa porte ou pas... Après tout, son comportement, s'il était celui d'un tueur à gage, était franchement peu orthodoxe et maladroit. C'est du moins ce qu'enseignait l'écoute de quelques saisons de The Sopranos et des CSI.

Ainsi, Terry sortit de la salle de bain pour inspecter sa chambre. Inutile de préciser qu’il était on ne peut plus prudent. Il se demandait ce que pouvait bien vouloir cet intrus.
Avançant discrètement, sa silhouette se distingua des ombres de la pièce quand il passa devant la fenêtre qu’il avait lui-même ouverte.

Soudain, Terence tressaillit au son métallique qui se fit entendre sur sa droite : le chien d'un revolver ! Il fit volte face le plus rapidement possible pour finir nez à nez avec un flingue qui s’extirpait des ombres et qui le ciblait. Au même moment, la lumière éclaira la chambre. Celui qui se tenait devant la porte n’était autre que Campbell, le Samaritain.

- Doucement Cassidy, l’interpella-t-il, moi qui pensait vous retrouver mort, exsangue. Posez donc ça vous voulez ?

Tandis que Campbell venait de baisser son arme, Terry pointait toujours la sienne en sa direction tant il était nerveux.

Il aurait fallut un clic et la cervelle de Campbelle aurait maculée les murs; ç'aurait été le karma, puisqu'il avait maculé le pavé du crâne d'un hispano'. Mais dans ce monde, le karma se foutait bien de la gueule des gens, et Terence parvint à ne pas appuyer sur la détente: se retrouver deux fois en deux jours avec de la matière grise plein le corps, non merci.

_" Campbell... Vous jouez à un jeu très dangereux... Mais je me dois d'avouer que le fait que ce soit vous me rassure..."

Il baissa finalement son pistolet, expirant un profond soupir de soulagement. Il se laissa tomber sur le lit, assis, et fixa Campbell.

_ "Qu'est-ce que vous foutez ici? Je veux dire... Pourquoi revenir me voir? Vous n'êtes pas vraiment plus en sécurité que moi, des gens veulent votre peau aussi, vous savez?"

Terence fixait Campbell, en l'attente d'une réponse. Sa migraine lui martelait toujours les tempes, mais cette fois-ci, il l'ignorait.

Oh merde! Son père... Il devait y aller. Valentina saurait se débrouiller un moment sans lui, après tout, elle était quand même beaucoup plus aux faits que lui et elle ne s'était pas mise dans le pétrin un nombre de fois incroyable en si peu de temps.

_"Vous m'expliquerez ça en chemin, je dois aller voir mon père... Baycroft n'en a sûrement pas démordu malgré son échec... Et c'est grâce à vous. Vous venez?"

Terence s'engageait déjà dans l'embrasure de la porte, cherchant à peine à voir si Campbell le suivait bel et bien.

Campbell, avec sa fameuse casquette vissée sur le crâne, était sapé d’un long trench-coat. Lorsqu’il rangea son arme dans son holster d'épaule, Terry put voir qu’il n’avait rien de moins qu’un gilet pare-balles et un fusil à canon scié porté en bandoulière sous son manteau.

- Bien sûr que je viens, répondit Campbell un brin surpris par la résolution de Terence. Avec le froid de canard qui fait, je vous conseille de récupérer votre veste.

Les deux hommes longèrent les couloirs de l’hôtel pour finir par en sortir. Dehors, il y avait de la neige partout et la froideur mordante de l’hiver était bien au rendez-vous. Sa veste à nouveau sur les épaules, Terry monta dans la voiture de Campbell qui était déjà derrière le volant. Il s’agissait de la Buick Riviera qui l’avait conduit pas plus tard qu’hier au repaire du Samaritain, mais cette fois le dénommé Peter n’était pas de la partie.

- Dites moi donc où on va exactement et pourquoi c’est si urgent, lança Campbell en mettant le contact. On profitera du trajet pour parler de deux trois trucs, comme la fin de votre nuit dernière par exemple. Vous devriez d’ailleurs jetez un coup d’œil à la photo que je vous ai filé hier.

Intrigué, Terence s’exécuta en sortant le cliché en question, celui où on pouvait le voir en compagnie de Valentina. Mais voilà, le polaroïd était flou ! Du moins uniquement Val, comme il l’avait déjà vue sur les autres clichés, notamment ceux où elle était en compagnie de Baycroft. Pourtant il était plus que persuadé que cette photo était net la dernière fois qu’il avait posé les yeux dessus. Qu’est-ce que ce bordel pouvait bien signifier ?

Campbell s’apprêtait à sortir du parking de l’hôtel, attendant les indications de Terry pour savoir dans quelle direction s’élancer.

Le soleil finissait de se coucher sur les rues enneigés de New York.

_ "Nous allons au building Cassidy & Baycroft. Ça urge, mais inutile de se prendre une contravention avec tout votre attirail."

Il fixait l'image, perplexe... Il y avait bel et bien un aura de mystère entourant Valentina et bienq u'il l'eût aimé à en crever, il éprouvait une certaine difficulté à lui faire confiance. Du moins, pas à faire confiance, mais il savait qu'elle lui cachait un pan entier de sa vie... Alors que Campbell avait été franc, direct, honnête, brusque et il avait toujours joué le jeu cartes sur table.

_ "Elle était claire, hier... Que se passe-t-il? Eh..."

Il était visiblement déconcerté et alors que le Samaritain conduisait, Terence releva la tête de la photo, poussant un autre soupir, se massant la tempe droite du bout des doigts.

_ "De quoi vouliez vous que nous parlions déjà?"

- Même les flics ne sont pas de sortie ce soir, dit Campbell en souriant avant de regarder Terry, il n’y a qu'un fou pour prendre le volant d’un temps pareil.

Si le climat n’avait pas été alors si rigoureux, on aurait pu dire que la Buick roulait à une vitesse somme toute raisonnable. Mais voilà ; il neigeait à nouveau et la route n’était pas exempte de verglas en cette veille de noël.

- Et puis il s’agirait de ne pas arriver en retard, continua le pilote inconséquent. Pour ce qui est de la photo, elle est là pour nous rappelez que votre amie Valentina est quelqu’un de très, très spécial ! Honnêtement, je suis persuadé que vous vous posez pas mal de questions à son sujet. Vous devez garder à l’esprit que vous n’avez jamais fréquenté cette femme en journée depuis que vous la connaissez et que vous ne savez pas non plus où elle vie, pas plus que vous ne vous êtes déjà réveillé à ses côtés n’est-ce pas ? Je voudrais vous en dire davantage mais vous me croiriez plus cinglé que je ne le suis déjà. En attendant, jetez un coup d’oeil à ce canard pour finir de vous convaincre qu’elle et son entourage peuvent être redoutable.

Non content de rouler dangereusement, Campbell quitta la route des yeux le temps de saisir un journal sur la banquette arrière pour après le flanquer sur les genoux de Terence. Il s’agissait du New York Daily News. Tandis que la première page était principalement dédiée aux festivités de noël, un paragraphe ne manqua pas d’interpeller l’attention du jeune Cassidy. Il renvoyait à la rubrique des finances. L’article traitait du suicide de Martin Paltrow, le directeur de la Herald Firm Company ! Il y était écrit que ce dernier s’était donné la mort le 23 au soir non seulement en raisons de ses soucis judiciaires mais aussi suite aux rumeurs du rachat de sa compagnie par la société Cassidy & Baycroft. Incroyable, Terry lui-même n’était pas au courant !

- A voir votre tête vous n’étiez pas au parfum, reprit Campbell, à croire que ces personnes finissent toujours par avoir ce qu’elles veulent. Par contre il y a une chose que je ne m’explique pas. Vous avez bien vu cette Valentina après nous avoir quitté la nuit dernière ? Vous voudriez bien m’en dire plus à ce sujet, tout comme sur ce qui nous attend au siège de votre compagnie…

_ "Mon père..." Ajouta Terry, distrait par l'article.

_ "Il m'a laissé un message en panique... Et si Baycroft désire dominer la société, il va certainement l'éliminer... D'ailleurs, il ne m'aura pas caché un truc aussi gros! Le rachat de cette firme de pourris!"

Terence respirait rapidement, il tentait de garder son calme, en vain. Contrairement à la voiture qui tenait bien la route jusqu'à présent malgré la tempête, lui, avait l'impression de dérapper sur une couche de glace à n'en plus finir.

_ "Je l'ai vu. Elle voulait savoir où j'étais et vos noms... Pour me protéger, mais je lui ai dit que je l'ignorais. Elle ne sait rien, vous êtes sauf pour le moment. Non pas qu'elle désire vous éliminer, mais elle veut m'épargner de me faire trouer la peau en vous dénonçant à ses patrons. Elle devait tout simplement amener la Cassidy & Baycroft à participer au Tomorrow's Light en me séduisant, mais elle est tombée ... en amour."

C'était kitsch, comme situation, mais ça semblait si réel, si véritable, comment ne pas y croire? On se moque toujours des contes de fée des autres, mais quand c'est notre tour... Pourtant, son conte de fée prenait des allures de cauchemars neigeux ces derniers temps.

_ "Nous planifions de quitter la ville un moment... réfléchir. D'ailleurs, vous êtes toujours aussi évasif, Campbell? Spéciale, je m'en étais bien rendu compte... M'enfin, je veux simplement que mon père s'en tire en vie et que je puisse me retirer avec elle... C'est probablement trop en demander, mais je me battrai pour. Et vous aussi, vraisemblablement. Je vais commencer à croire que vous êtes mon gardien, toujours à rôder, arme à la main."

_ "La Cassidy & Baycroft a un bon système de sécurité, mais je suis l'assistant du PDG, alors nous devrions pouvoir rentrer aisément, à condition que Baycroft n'ait pas pris entièrement le contrôle. Je l'éclaterais celui-là..."

Il fixait la route... le voile blanchâtre devant lui et se foutait un peu de la réaction de Campbell, ses pensées étaient portées vers son père, puis Valentina. Et ultimement, à un grand feu de foyer dans la résidence du Vermont, à boire du eggnog, installé comfortablement sur un canapé, à discuter avec papa et maman, Valentina étendue sur ses jambes et lui passant sa main dans sa chevelure blonde et soyeuse. L'ambiance pittoresque, rustique, familiale et amoureuse. Le bonheur. Il se souvenait de l'odeur des feu de foyers... et de celle de Valentina. Le mélange était parfait, nirvanesque et pas dans le sens Kurt Cobain + un fusil du terme.

_ Je ne suis pas vraiment votre gardien, lança Campbell en arrachant Terry à ses illusions, j’avais d’ailleurs misé sur le fait que vous alliez dire où nous trouver, alors j’ai passé la matinée à préparer un comité d’accueil à l’entrepôt. Et si je vous ai retrouvé ce soir, c’est que j’ai mis un mouchard dans votre portable quand vous aviez le dos tourné. Je suis loin d’être un saint Cassidy, mea-culpa.

A ces derniers mots, Terence aurait pu esquisser un sourire narquois en voyant qu’il était inscrit le nom Saints sur la casquette de baseball que le Samaritain portait ce soir. En tout cas ce dernier ne semblait pas se soucier de la réaction de son passager, trop concentré sur la route qu’il était.

_ Tout ce que je veux c’est nuire aux pourritures qui sont à l’origine de toutes vos emmerdes, reprit-il, et c’est là qu’on peut s’entendre ! Je recherche un type en particulier et j’ai bon espoir de le trouver. Ce sont des recherches de plusieurs mois qui m’ont amenées ici, là, maintenant !

Campbell donna un brusque coup de volant pour tourner sans vraiment prendre la peine de ralentir. La voiture roulait à brides abattues sur la voie express qui reliait le Queens à Brookyn, comme son nom le laissait deviner. Ils allaient rejoindre Manhattan en passant par le pont Williamsburg. A ce train là, et en dépit du climat, ils arriveraient à destination seulement vingt minutes plus tard. Heureusement que ce soir là les routes étaient quasi désertes. Le chauffeur, lui, continuait son speech.

_ En ce qui concerne votre amie, elle est bien loin d’être une de mes priorités. Elle vous aime, amen ! Vous êtes encore de ce monde après tout, et apparemment "inchangé". De toute façon ça ne me regarde pas. Pour le moment on va aller aider votre père et botter le cul à ce Baycroft en espérant qu’il soit présent, et surtout qu’il ne soit pas tout seul !

A l’énoncé de cette éventualité, Campbell sourit un court instant. Il eut tôt fait d’afficher à nouveau le flegme qui le caractérisait quand il regarda brièvement Terry pour s’adresser à lui une fois encore.

_ Mettez de côté tous vos projets de voyage pour l’instant Cassidy, déclara calmement le Samaritain, et concentrez-vous. La soirée va être longue et je suis certain qu’on en saura beaucoup plus demain matin… du moins si on survit. J'ai comme un pressentiment ; ce qui nous attend risque d’être sacrément éprouvant. Vous vous sentez d’attaque ? Parce que j’ai besoin de vous !

Terence fixait avec perplexité Campbell. Il devait être prêt? Prêt à quoi? À tuer...? Terence aurait de la misère à écraser une mouche, alors tuer un homme! Pourtant, il savait qu'il le ferait pour son père, si du moins cela était nécessaire. Il espérait pouvoir arriver avant Baycroft et qui que ce soit et fuir avec James. Et sur ce point, Campbell n'allait pas lui faciliter la tâche.

_ "Je le suis, Campbell."

Il inspira doucement, entouvrit à la manivelle la fenêtre de la bagnole afin de laisser filtrer un peu de cet air frais qui calmerait, l'espace d'un moment, son mal de crâne. Il inspirait longuement, puis, finit par dire:

_ "Mais comprenez que je ne veux pas y faire ... une tuerie. Mon but est de sauver mon père, vous comprenez? Si nécessaire, oui, nous verrons. Mais si je peux l'éviter... Enfin, nous verrons en temps et lieux, ce qui devrait être sous peu, vu la vitesse où vous roulez. Il nous aurait fallu une motoneige, pas une voiture."

Terence se tut le reste du trajet, l'anxiété, mêlée à son mal de crâne, prenant doucement le dessus sur toute émotion: sur la peur, sur la douleur, sur tout.