[Appartement de Luigi] Un dîner à trois

La cage d’escalier était à l’image de l’immeuble : dégueulasse. Il y avait des graffitis partout et les marches étaient jonchées de détritus. Toute cette vieille bâtisse tombait en morceaux. Certains appartements n’étaient même plus habités, jugés trop insalubres. Connaissant les critères peu regardant du Bronx à ce sujet, c’était peu dire.
Trois pièces et des murs décrépits au troisième. Une chambre sans fenêtre (ce qui avait maintenant son utilité), un salon minable habillé de meubles miteux et une cuisine minuscule, sans parler de la salle de bain si étriquée qu’on pouvait s’asseoir sur les chiottes quand on se servait du lavabo. Voilà à peu près à quoi se résumait l’appartement de Luigi Capitani.


Un dîner à trois


…

Avant même de franchir sa porte, Luigi savait que Lucinda était là. Même si il ne pouvait l’expliquer il en était persuadé. Et puis une odeur de parfum bon marché flottait dans l’air, provenant certainement du calice que sa sire avait ramené. Quand il entra chez lui, Lucinda était effectivement présente, installée sur son canapé en compagnie d’une femme afro-américaine. Celle-ci était allongée, sa tête posée sur les genoux de la vampire qui lui caressait délicatement les cheveux.

A la vue de Luigi, la jeune femme se leva et se dirigea lentement vers lui, sourire aux lèvres. Vêtu d’une chemisette violette et d’une simple robe, elle était de taille moyenne et mince, voir maigre. Son séduisant visage était mis en valeur par ses longs cheveux ondulés que décoraient des perles de bois.

_ "Je ne te présente plus Adena" dit Lucinda, toujours assise. Sa voix était comme satinée.

La femme, elle, passa ses bras autour du cou de Luigi. Il la connaissait bien. Elle était celle à qui il s’était "abreuvé" pour la toute première fois, son premier Baiser. Agée de vingt-sept ans, elle travaillait pour son oncle dans une épicerie familiale à deux trois blocs d’ici. Pourtant brillante, on n’avait jamais donné à Adena la chance d’une vie plus radieuse à cause du quartier et du milieu fauché dans lequel elle avait grandi. Lucinda l’avait rencontré pour la première fois dans un foyer social où elle faisait du bénévolat…
A présent, Adena se tenait à sa disposition, même si elle n’en était pas réellement consciente. La jeune femme aimait la relation qu’elle entretenait avec celle qu’elle admirait ; une femme belle, cultivée, avec qui elle pouvait partager ses pensées et parler de littérature ou de bien d’autres sujets encore. Elle commençait d’ailleurs à ressentir les mêmes choses pour Luigi. Elle se sentait vivre quand elle était en compagnie de ce couple. Enfin, on se préoccupait vraiment d’elle, on la comprenait. Cette relation la comblait, aussi bien moralement que physiquement.

Elle embrassa Luigi.

Elle était loin de penser qu’en réalité, elle n’était qu’un simple "repas". Adena avait au moins raison sur un point ; elle vivait quelque chose de spécial.

Luigi salua Adena. Il pensait que c'était un calice rêvé, qui avait toutes les qualités qu'il fallait, et sa présence le rassurait, quelque part.

"Excuse-moi Adena, je dois échanger quelques mots avec Lucille. Nous revenons immédiatement."

Luigi entraîna Lucinda dans la cuisine et ferma la porte.

"Merci de... de l'avoir amenée. J'ai réfléchi un peu à l'Elysée de demain. Est-ce qu'il s'agit juste de ma "Présentation" ? Je serai seul à être Présenté? Ou est-ce qu'il y a un ordre du jour "spécial" ?
J'appréhende un peu..."

Lucinda s’approcha de Luigi. Ses lèvres n’étaient plus qu’à quelques centimètres des siennes.

_ "Tu n’ai heureusement pas assez important pour justifier à toi tout seul une telle assemblée" lui répondit-elle d’une voix suave. "Un autre nouveau-né sera également exposé à la Famille. Un cas bien particulier à ce que j’ai cru entendre."

Lucinda se rapprocha encore, poussant Luigi sur son frigo. D’une main elle lui défit son nœud papillon et le jeta par-dessus son épaule, et de l’autre, elle mit son index devant la bouche de son infant, l’empêchant de prendre la parole.

_ "Je n’en sais pas beaucoup plus car j’avais pris mes distances ces derniers temps. Mais je suis certaine que rien n’aura changé. Car comme je te l’ai déjà dit, méfie-toi avant tout des interminables conflits familiaux." Le doigt de Lucinda suivait le contour de la bouche de Luigi, allant jusqu’à effleurer ses canines. "Comme d’habitude, ça sera là le véritable ordre de la nuit."

Lucinda recula d’un pas pour s’appuyer sur la porte. Elle souriait.

_ "Mais oublions tout ça pour l’instant… Il faut que tu te nourrisses car demain tu auras besoin de toutes tes capacités pour contrôler ta Bête, pour ne pas fuir la Famille." Lucinda se retourna et ouvrit la porte. "Alors détend-toi. Tu ne voudrais tout de même pas faire attendre Adena plus longtemps ?"

…

Lucinda souriait. Luigi se nourrissait au cou d’Adena, les yeux rivés sur sa Sire qui contemplait la scène. Allongée sur le lit, la jeune femme, elle, se mouvait doucement. Elle finit par laisser échapper un gémissement de plaisir, emportée par l’extase du Baiser. Alors que Luigi devait déjà lui avoir drainé un demi litre de sang, Lucinda lui intima de continuer. Une telle invitation était impossible à refuser tant l’ivresse de l’acte était forte. Luigi continua donc de s’abreuver. Adena s’agita, submergée par les délices que cela lui procurait, ce qui galvanisait d’autant plus Luigi. Un tel régal… Lucinda arrêta son infant à temps, le repoussant brusquement en arrière.

_ "Te voilà fin prêt" dit-elle. Luigi était comme sonné. Lucinda l’embrassa, goûtant le sang qui barbouillait ses lèvres. Elle se releva puis se dirigea vers Adena qui était endormie, un sourire béat sur les lèvres et le corps recouvert de sueur. La damnée monta sur le lit puis s’agenouilla pour se placer au dessus de la jeune femme.

_ "Ne t’en fais pas pour elle. Deux trois jours au lit et elle aura récupéré. En cette saison, quoi de plus normal qu’une grippe ? Et puis voilà qui devrait la requinquer…" Lucinda se pinça la lèvre inférieure. Ses canines déchirèrent sa peau pour laisser s'échapper la Vitae. Elle se pencha alors pour embrasser Adena, avec une telle violence qu’on pouvait croire qu’elle voulait la dévorer. La jeune femme agrippa Lucinda avec tout autant d’entrain. Grisée par la Vitae, elle s’était abandonnée à la vampire.

Toujours sonné, Luigi était témoin de cette scène irréelle. Il se souvenait de ce que son père lui avait dit : le sang de la Famille était gorgé de faux amour, provoquant une dépendance instantanée chez les mortels. Celui qui s’en était abreuvé pouvait ne plus penser au damné qui l’avait nourri pendant des semaines, jusqu’à ce que ce dernier vienne le retrouver. On pouvait facilement devenir esclave de cette jouissance. D’ailleurs, bien que rassasié, Luigi ressentit un léger sentiment de jalousie tandis qu’il regardait Adena, en quête de la moindre trace de sang, lécher le visage de Lucinda. La vampire souriait toujours.

* * *

Lucinda était partie, Adena aussi. Luigi sentit l’aube approcher. Il se dirigea dans sa chambre où il déposa le costume que sa sire lui avait ramené, un versace, l’ultime détail pour l’Elysée. C’était sûrement l’une des dernières fois qu’il dormait dans son appart’ qui selon Lucinda n’était pas un refuge assez sûr.

A la prochaine tombée de la nuit, Luigi se rendra à une assemblée de vampires, rien que ça. C’était maintenant sans équivoque, il allait faire partie de la Famille. Un allé simple…

_____________________________________________________________

[HRP] A suivre dans le sujet [Metropolitan Museum of Art] Un premier Elysée. [/HRP]